Courrier commun pour une régénération des infrastructures fluviales
- mercredi 6 juin 2018
La CNBA, l’association Agir pour le fluvial, l’ADIPSB, l’ANPEI et La Glissoire ont envoyé vendredi 1er juin 2018 un courrier commun à Monsieur Édouard Philippe, Premier Ministre, consacré à l’état du réseau fluvial national et à la revitalisation de celui-ci. Vous trouverez le contenu de ce courrier ci-dessous.
Monsieur le Premier ministre,
Depuis le début de l’année, les transporteurs fluviaux sont confrontés à une hausse inquiétante des pannes et dysfonctionnements sur le réseau fluvial national.
Bassin de la Seine :
- Dysfonctionnements du barrage de Vives-Eaux (6 janvier – 23 février 2018),
- Avarie de l’écluse de grand gabarit de Vives-Eaux (9 février – 16 mai 2018) puis avarie de l’écluse de petit gabarit de Vives-Eaux (19 avril – 7 mai 2018),
- Avarie du barrage de Champagne-sur-Seine (2 mars – 2 mai 2018) puis écroulement des berges au poste d’attente de l’écluse de Champagne-sur-Seine,
- Arrêt de la navigation sur le Loing (16 avril – 4 mai 2018).
Ainsi, au 31 mai 2018, sur l’axe séquanien, ce ne sont pas moins de 58 jours d’arrêt de la navigation et 86 jours de réduction de l’emport autorisé sur le fleuve qui ont affectés les activités du transport fluvial.
Bassin rhodanien :
- Fermeture de la navigation commerciale sur la liaison Saône-Rhin (depuis décembre 2017).
Réseau fluvial du Nord :
- Canal du Nord interdit à la navigation (3 avril – 1er mai 2018),
Bassin rhénan :
- Blocage de bateaux de commerce suite à la chute d’arbres en travers du canal de la Marne au Rhin assurant la liaison Seine-Rhin.
Canal du Midi :
- Arrêt puis restriction de la navigation sur le canal du Midi sur les ouvrages du Libron (29 mai – 22 juin 2018).
Par ailleurs, l’insuffisance d’entretien, l’absence d’une politique de maintenance préventive et de dragage, aggravées par l’épisode de crue de janvier 2018, ont impliqué, pour l’ensemble du réseau fluvial français, des restrictions de l’emport causant une perte de compétitivité pour la batellerie.
Ces dysfonctionnements récurrents sur les principales voies d’eau nationales à caractère commercial sont révélateurs de la détérioration du capital technique confié à Voies navigables de France (VNF), exposant un pan entier du transport terrestre de marchandises à des ruptures d’usage, anticipées ou non, qui font peser un risque commercial sur les acteurs de la chaîne logistique. Ils entrainent également une perte de parts de marché pour le transport fluvial, difficiles à récupérer à court terme.
Tous ces éléments sont connus de VNF. En effet, l’établissement public identifiait déjà à la fin des années 2000, dans son Schéma directeur de maintenance des voies navigables, les maux du réseau dont il a la gestion : une part importante des ouvrages était soit en fin de vie, soit d’une qualité fonctionnelle médiocre : 54 % des écluses et 63 % des barrages présentant au moins un risque majeur de dégradation de performance ; l’état des digues des canaux était quant à lui considéré comme mauvais, présentant des risques d’infiltration ou de rupture.
La Chambre nationale de la batellerie artisanale a déjà exprimé ses craintes quant à l’état des infrastructures fluviales nationales et alerté les pouvoirs publics de l’insuffisance des crédits alloués à VNF pour l’entretien et la réhabilitation du réseau.
La maintenance et la modernisation du patrimoine fluvial et de ses fonctions transport, hydraulique et tourisme nécessiteraient, selon le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, environ 250 millions d’euros par an sur la période 2018-2035, avec un effort particulier de rattrapage sur les dix premières années.
Dès lors, il ne fait aucun doute que les crédits d’investissements affectés à Voies navigables de France sont sous-dimensionnés et ne permettent pas au gestionnaire du réseau de remplir pleinement ses missions, ni d’opérer le rattrapage nécessaire.
En proposant une alternative au mode routier, par nature générateur de lourdes externalités négatives, le transport fluvial constitue aujourd’hui une réponse aux enjeux de la transition énergétique de notre pays, notamment concernant la mobilité propre.
Malgré ses nombreux atouts, notamment en termes environnementaux (faiblesses des émissions de gaz à effet de serre et de consommation en énergies fossiles), économiques (massification des transports, faible coût du fret par voie d’eau) et sociétaux (réduction des nuisances sonores, décongestion des axes routiers, diminution des accidents de circulation, etc.), le transport fluvial pâtit depuis près de quarante ans d’un sous-investissement structurel dans ses infrastructures.
Le transport par voie d’eau, vertueux comparativement aux autres modes de transports, doit être un vecteur de la rupture écologique souhaitée et, à ce titre, être soutenu par le Gouvernement. Aussi, j’en appelle à la mise en oeuvre par les pouvoirs publics d’une politique fluviale ambitieuse et volontariste, pérennisée par des investissements dans le réseau fluvial. La croissance du transport fluvial de marchandises et son corollaire, le report modal du routier vers la voie d’eau, sont en effet aujourd’hui intrinsèquement liés à la régénération des infrastructures fluviales, à l’instar de celles des pays nord-européens.
Nous sollicitons une audience afin de nous entretenir plus précisément de ces sujets avec vous ou vos services.
Sachant pouvoir compter sur votre soutien au secteur fluvial, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Copie : M. Nicolas HULOT, ministre de la Transition Écologique et Solidaire,
Copie : Mme Elisabeth BORNE, ministre chargée des Transports,
Copie : M. Marc PAPINUTTI, directeur du cabinet de madame la ministre chargée des Transports.