Que reste-t-il de la batellerie artisanale française ?

Initialement prévue dans le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), la dissolution de la Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA), établissement public administratif jouant le rôle de chambre des métiers pour les transporteurs fluviaux artisans, a finalement eu pour véhicule législatif le projet de loi de finances pour 2019 (PLF 2019), montrant en cela l’empressement à faire disparaitre l’unique représentation du secteur du transport artisanal de marchandises par voie fluviale.

La CNBA représente et défend depuis plus de 30 ans les intérêts de la batellerie artisanale ainsi que ses spécificités, profondément marquées par l’itinérance qui la caractérise. La création de cet établissement est pour les bateliers indépendants un moment important puisque pour la première fois, ils vont pouvoir bénéficier d’une reconnaissance officielle, d’un statut d’artisan et des avantages qui lui sont liés.

La Chambre nationale de la batellerie artisanale est à l’origine d’avancées importantes pour la profession, telles que la mise en place d’un plan d’aides à la modernisation, la réforme du contrat type, la création d’un baccalauréat professionnel spécialité transport fluvial ou plus récemment, le renouvellement automatique de la carte européenne d’assurance maladie des mariniers.

Instituée comme le guichet unique de la profession, l’établissement accompagne les TPE du transport fluvial dans leur développement et verse par ailleurs à ses membres des aides de secours visant à traiter les conséquences économiques liées à une baisse de l’activité du transport fluvial de marchandises (crue, sécheresse, mauvaise récolte céréalière, etc.) afin d’en limiter l’impact sur le secteur.

Administrée par des professionnels de la batellerie, élus par la profession elle-même, la CNBA est un interlocuteur reconnu pour son expertise dans le domaine de la navigation fluviale et de l’aménagement du réseau, elle fonctionne grâce à la taxe parafiscale qui lui est affectée. Financièrement autonome, elle ne bénéficie d’aucune subvention pour charges de service public. Dans le viseur de Bercy car considérée comme une « taxe à faible rendement », elle fait partie de la vingtaine de taxes supprimés par l'article 9 du PLF 2019.

Avec la suppression de cette taxe c’est toute une profession qui replonge des années en arrière. Car la fermeture de la CNBA entraînera fatalement un retour à la situation antérieure à la création de l’établissement, où la profession était représentée par une multitude de petites structures, associations et syndicats faibles et peu organisés, qui peinaient à se structurer pour parler d’une voix commune et à défendre les intérêts de la profession.

Tandis que la batellerie artisanale (qui représente plus de 60 % des volumes transportés en France) connaît actuellement de profondes mutations marquées notamment par des enjeux économiques, réglementaires et environnementaux forts, la volonté des pouvoirs publics de supprimer l’unique représentation institutionnelle de la batellerie se traduira fatalement par un affaiblissement de la représentation des transporteurs fluviaux artisans, aussi bien au niveau national qu’au niveau européen. C’est en définitive l’avenir du transport fluvial tout entier qui pourrait être fragilisé.

Dans l’optique d’une ouverture du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe reliant l’axe séquanien à l’Escaut et au réseau Nord-européen, c’est un signal fort adressé aux entreprises artisanales de transport fluvial. Un tel évènement dans tout autre mode de transport aurait probablement fait monter au  créneau bien des industriels et bien des politiques mais le fluvial mobilise peu dans les hautes sphères.

Plutôt qu’une fermeture pure et simple de l’établissement qui la représente, la profession appelle à une réforme de celui-ci. Afin de permettre la pleine exploitation de l’organisation tout en assurant une cohérence avec ses missions premières, il est proposé d’élargir le périmètre de ses missions et de son action afin de lui donner les moyens de répondre aux nouveaux enjeux du secteur de la batellerie.

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